Me Audrey NICOLAS, avocate au barreau de Paris

Le port du masque à l’école à 6 ans !

Interview de France-Antilles Martinique parue le 9/11/2020

Cette nouvelle restriction introduite par le décret du 29 octobre 2020 pour faire face à l’épidémie de la Covid 19 suscite de vives interrogations pas uniquement des parents d’élèves. Et nécessite quelques éclairages juridiques…

C’est l’article 36 du décret qui étend le port du masque, dans les établissements scolaires, à tous les élèves des écoles élémentaires. Il vise aujourd’hui à imposer le masque à des petits. Le protocole sanitaire renforcé transmis par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, reprend les recommandations des autorités sanitaires : pour les élèves des écoles maternelles le port du masque est à proscrire ; pour les élèves des écoles élémentaires, des collèges et des lycées, le port du masque « grand public » est obligatoire dans les espaces clos ainsi que dans les espaces extérieursNéanmoins, les enfants présentant des pathologies peuvent en être dispensés sur prescription médicale. 

Si le port du masque n’est pas obligatoire lors de la prise de repas ou lors des activités sportives, il serait conservé lors des instants récréatifs. 

Aussi, « il appartient aux parents de fournir des masques à leurs enfants ». A défaut, le chef d’établissement pourra en proposer aux élèves qui n’en disposeraient pas.  

Les fondements juridiques de cette mesure… 

Me Audrey Nicolas, avocate au barreau de Paris précise que le décret du 29 octobre se fonde sur celui du 14 octobre instituant l’état d’urgence sanitaire et sous le visa de l’avis du comité scientifique.

« Dans son étude, le comité scientifique analyse les lieux d’infection pour déterminer les actions à mettre en place pour lutter contre l’épidémie et précise qu’actuellement, en France, en dehors des clusters, il n’est pas possible d’identifier le lieu d’infection des cas, faute de données disponibles. Aucune étude en milieu scolaire n’est mentionnée », soutient Me Audrey Nicolas.

Il faut indiquer qu’initialement, il était prévu que seuls les élèves des écoles élémentaires présentant des symptômes liés au virus devaient porter un masque jusqu’au moment de leur prise en charge (article 36 du décret n° 2020 – 1262 du 16 octobre 2020).

L’avocate souligne que depuis septembre, le comité scientifique a émis trois avis dont celui du 26 octobre 2020 relatif « à la deuxième vague entraînant une situation sanitaire critique ».

Il propose d’évoquer avec la communauté éducative de France, « le port du masque dès l’âge de six ans, comme préconisé en Espagne, l’Italie ou l’Allemagne, lequel pourrait être d’autant plus encouragé que le masque est par ailleurs porté et que les enfants disposent d’importantes capacités d’adaptation ». 

Me Audrey Nicolas fait le constat que le comité scientifique ne fait pas référence à une étude mais à des mesures similaires dans des pays voisins. 

Efficacité du port du masque pour les jeunes enfants ?  

Si plusieurs données sont disponibles sur le sujet il semble qu’aucune étude ne permet de le démontrer de manière probante. 

« Le rapport émis par l’OMS et l’Unicef le 21 août 2020 évoque une étude au Japon à l’occasion des grippes saisonnières : à peine la moitié des enfants en école primaire respectaient les consignes et portaient un masque.

Toujours selon l’OMS, le port du masque est souvent mal supporté notamment par les jeunes enfants. 

Lorsqu’il est imposé à une catégorie de la population en bonne santé, le masque empêche de communiquer clairement et entraîne de nombreux inconvénients », explique Me Audrey Nicolas. 

Liberté fondamentale, intérêt supérieur de l’enfant et santé publique 

La question est de savoir si le port du masque dès l’âge de 6 ans dans les établissements scolaires est une mesure proportionnée aux risques sanitaires encourus. 

« L’état est garant de l’intérêt général, de la sécurité et de la santé publique mais il doit également veiller au respect des libertés fondamentales, au respect des droits de l’Homme, au respect des droits de l’enfant. Il convient de rappeler que l’intérêt supérieur de l’enfant a désormais une valeur constitutionnelle » indique Me Nicolas. 

Elle soutient encore que la convention nationale relative aux droits de l’enfant de 1989 précise dans son article 3 que : « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organismes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale…».

Interview de Maître Audrey NICOLAS
de AARPI Les Avocats Réunis
Avocate au barreau de Paris

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