Bâtonnier Dominique NICOLAS Avocat de Martinique

Détournement et recel de fonds publics pour emplois fictifs

Les Piqûres de rappel du Bâtonnier NICOLAS

Le droit de percevoir une rémunération après service fait constitue, pour tout fonctionnaire placé dans une position ouvrant droit à rémunération, une garantie fondamentale au sens de l’article 34 de la Constitution, à laquelle il ne peut être dérogé que par la loi.

Les fonctionnaires et agents territoriaux à l’instar des autres agents publics, n’ont droit à rémunération qu’après service fait.

Il n’y a pas de service fait lorsque l’agent n’effectue pas totalement son service. L’appréciation est donc essentiellement quantitative. Le service n’est pas fait quand l’agent s’absente sans autorisation quelques heures ou quelques jours de son poste. Il y a également absence de service fait lorsque l’agent s’abstient d’effectuer tout ou partie de ses heures de service, ou lorsque bien qu’effectuant ses heures de service, l’agent n’exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s’attachent à sa fonction.

La charge de la preuve de l’absence de service fait peser sur l’autorité territoriale qui pourra plus facilement l’établir si elle a mis en place des dispositifs de contrôle de l’assiduité (CAA Nantes, 5 juin 1996, n° 94NT00734, Maurice X : JurisData n° 1996-042608).

Il a déjà été jugé (Cass. crim., 30 mai 2001 ; D. R.-S. : Juris-Data n° 010343) que :

a) Se rend coupable de détournement de fonds publics, pour emploi fictif, le président du syndicat mixte d’un parc naturel régional, dont les dépenses de fonctionnement sont financées par l’office de l’environnement de la Corse, qui accueille un agent mis à disposition au sein du syndicat mixte, dont la rémunération est retenue sur la dotation budgétaire du syndicat mixte, sachant que cet agent, non présent, ne fournissait aucun travail effectif. Sont sans incidence le fait que la somme relative à la rémunération de l’agent ait été réintégrée par décision préfectorale dans la dotation budgétaire du syndicat et le fait que le prévenu n’avait pas eu la détention matérielle des fonds détournés, dès lors qu’il avait la disposition de la dotation sur laquelle les fonds détournés ont été imputés.

b) L’agent mis à disposition se rend coupable de recel de détournement de fonds publics, dès lors qu’il est à l’initiative de cette mise à disposition, qu’il n’a effectué aucun travail pour le syndicat mixte, qu’il a profité de substantielles rémunérations sans contrepartie.

Aux termes de l’article 321-1 du Code pénal : 

Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit. Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit. Le recel est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende”.

L’élément matériel du recel est réalisé chaque fois que le prévenu a bénéficié, par un moyen quelconque, du produit d’un crime ou d’un délit. Tandis que la preuve de l’élément moral du recel est établie par présomptions.

Infraction intentionnelle, le recel suppose la conscience de l’origine frauduleuse de la chose et la volonté de la détenir ou en profiter. La connaissance des circonstances de l’infraction originaire n’est toutefois pas requise.

Le recel étant une infraction continue, la répression atteint celui qui apprend l’origine frauduleuse de la chose après l’avoir appréhendée.

Dès lors, en certifiant le service fait et en ordonnant le versement de sommes d’argent à des agents qui n’ont pas effectué tout ou partie du service, l’autorité territoriale se rend coupable de détournement ou de complicité de détournement de fonds publics.

Le bénéficiaire principal, quant à lui, tombe sous le coup du recel de détournement de fonds publics, mais ses proches ne sont pas à l’abri.

Lamentin le 13 juillet 2020

Maître Dominique NICOLAS
Ancien Bâtonnier
Président de l’AARPI Avocats Réunis

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