Me Audrey NICOLAS, avocate au barreau de Paris

Coronavirus : les TPE, on en parle ?

La crise sanitaire que nous traversons depuis plusieurs semaines a considérablement fragilisé les Très Petites Entreprises (TPE) qui, pour la plupart, ne se relèveront pas. Beaucoup n’auront pas d’autre choix que de « mettre la clef sous la porte ».  

Pourtant, la seconde loi de finances rectificative pour 2020, publiée au Journal officiel du 26 avril, prévoit un certain nombre de mesures fiscales afin de soutenir, toutes les entreprises, même les plus petites structures.  

… 5 avantages fiscaux pour 2020

Le premier article prévoit une exonération des sommes versées par le fonds de solidarité. 

Cet article prévoit une exonération d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu et de toutes les contributions et cotisations sociales, d’origine légale ou conventionnelle, au titre des subventions versées par le fonds de solidarité institué par l’ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020. 

Toutes les entreprises éligibles aux aides prévues par le fonds de solidarité sont concernées quel que soit leur forme juridique ou leur activité.

Ainsi, il s’agit des entreprises imposées d’après un régime réel, simplifié ou non, mais également celles qui relèvent d’un régime micro au plan fiscal dans le cadre duquel l’assiette imposable correspond au chiffre d’affaires auquel est appliqué un abattement forfaitaire.

Il n’est pas tenu compte du montant de ces aides pour l’appréciation des limites de chiffres d’affaires des entreprises prévues dans le cadre de certains régimes aux articles 50-0, 69, 102 ter, 151 septies et 302 septies A bis du CGI.  

Le fonds de solidarité créé dans le cadre de la crise sanitaire et institué par l’ordonnance 2020-317 du 25 mars 2020 prend tout son sens avec cette neutralité fiscale. 

Pour rappel, il prévoit le versement d’une aide financière aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du Covid-19 et par les mesures prises pour en limiter la propagation. 

L’article 3 encourage les bailleurs à consentir des abandons de loyers en faveur des entreprises et permet à titre exceptionnelle leur déductibilité fiscale.

En effet, les bailleurs imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux pourront déduire les abandons de créances de loyer et accessoires qu’ils auront consentis, entre le 15 avril et le 31 décembre 2020, à des entreprises locataires avec qui ils n’entretiennent pas de lien de dépendance, au sens du 12 de l’article 39 (CGI, art. 39, 1, 9° et 13° modifiés). 

Les créances éligibles qui auront fait l’objet d’un tel abandon ne seront pas regardées comme un revenu imposable dans le chef du bailleur ; les charges correspondant à ces revenus resteront cependant déductibles (CGI, art. 14 B nouveau). 

Les bailleurs qui souhaitent bénéficier de l’article 14 B devront cependant justifier, par tous moyens, des difficultés de trésorerie rencontrées par l’entreprise locataire, en présence d’un lien de dépendance c’est-à-dire lorsque celle-ci est exploitée par un membre de sa famille (ascendants, descendants ou membres de son foyer fiscal).

Des mesures similaires ont été adoptées pour les bailleurs relevant des bénéfices non commerciaux (CGI, art. 92 B nouveau et art. 93 A, I modifié).   

La détermination du bénéfice des contribuables qui ont opté pour la prise en compte des créances acquises et des dettes certaines, les abandons de créances, dans les conditions et limites mentionnées au n° 3, sont déductibles dans leur intégralité pour le contribuable qui les consent.

Les bailleurs relevant des revenus fonciers ne sont pas excluent de ce dispositif qui prévoit que les loyers et accessoires afférents à un immeuble donné en location à une entreprise qu’ils renoncent à percevoir entre le 15 avril et le 31 décembre 2020 ne sont pas imposables. Ils peuvent, en revanche, continuer à déduire les charges foncières correspondantes (charges de propriété, intérêts d’emprunt).

Cependant, l’entreprise locataire ne doit pas avoir de lien de dépendance avec le bailleur au sens de l’article 39, 12 du CGI. Si tel est le cas, le bailleur devra justifier par tous moyens des difficultés de trésorerie de l’entreprise locataire.

Par ce dispositif, la seconde loi de finances rectificative pour 2020 vise à aider les entreprises locataires à contenir leur endettement pendant la période de crise sanitaire. 

De plus, afin de permettre aux entreprises d’imputer les abandons de créances dont elles bénéficient, l’application des dispositions dérogatoires prévues à l’article 209 du CGI concernant l’imputation des déficits antérieurs est étendue. Puisque les entreprises pourraient imputer les abandons de créances indépendamment du plafond de 1 M€ actuellement prévu.

Dans son article 4, la seconde loi de finances rectificative rehausse le plafond de défiscalisation des heures supplémentaires.

Le plafond des heures supplémentaires défiscalisées sera porté de 5 000 € à 7 500 € pour les rémunérations, majorations et éléments de rémunération versés à raison des heures supplémentaires et complémentaires réalisées entre le début du confinement, soit le 16 mars 2020, et le dernier jour de l’état d’urgence sanitaire. 

En dehors de la période de l’état d’urgence sanitaire, ce plafond ne pourra être supérieure à 5000 € (CGI, art. 81 quater modifié). 

Cette exonération d’impôt sur le revenu concerne les rémunérations perçues au titre des heures supplémentaires et complémentaires qui bénéficient de l’exonération de la part salariale des cotisations d’assurance vieillesse visée à l’article L 241-17, I et III du Code de la sécurité sociale.  

Elle concerne également l’ensemble des salariés du secteur privé (y compris les salariés agricoles), les agents de la fonction publique (titulaires ou non) et les salariés relevant des régimes spéciaux.

Les articles 5 et 6 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 étendent à titre temporaire le bénéfice du taux réduit de TVA (5,5% en France continentale et en Corse, 2,1 % dans les DOM) aux masques et tenues de protection et aux produits d’hygiène corporelle, et ce jusqu’au 31 décembre 2021 (CGI, art. 278-0 bis, K bis et ter nouveau).  

Les caractéristiques des produits visés seront fixées par arrêté.

S’agissant des produits destinés à l’hygiène corporelle, seraient notamment concernés les gels et solutions hydroalcooliques ne comprenant pas de gélifiants et les produits d’origine naturelle qui remplissent une fonction similaire désinfectante.

Ces dispositions s’appliquent à toutes les opérations (achats, importations, acquisitions intracommunautaires, ventes, livraisons, commissions, courtages et de façons) et leur entrée en vigueur est différente selon les produits et la nature de l’opération en cause.

Depuis le début de la crise sanitaire et du confinement, les employeurs, travailleurs indépendants et professions libérales ont pu reporter, moduler, tout ou partie du paiement de leurs charges salariales et fiscales sans aucune majoration ou pénalité.  

Il est néanmoins impératif de déclarer et donc de transmettre la déclaration sociale nominative (DSN).

Précisons que ces mesures sont mises en œuvre pour accompagner les entreprises présentant de sérieuses difficultés de trésorerie. Elles ne concernent pas les entreprises qui font face à des difficultés légères.

Aussi, les sociétés qui bénéficient d’un ou plusieurs crédits d’impôt restituables en 2020 peuvent solliciter le remboursement du solde de la créance disponible, après imputation le cas échéant sur leur impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice 2019, sans attendre le dépôt de la déclaration de résultat. 

Ce dispositif s’applique pour tous les crédits d’impôt restituables en 2020.

Il n’existe malheureusement pas de cuisine toute faite. Aucune mesure fiscale n’est meilleure qu’une autre. Il convient d’analyser les difficultés de chaque structure afin d’anticiper une sortie de crise. 

Il s’agit de rédiger, dès maintenant, la meilleure recette composée de tous les ingrédients nécessaires à la survie de l’entreprise : les avantages fiscaux en sont les principaux !

Maître Audrey NICOLAS
Avocate au Barreau de Paris
Membre de l’AARPI Les Avocats Réunis

Source :

L. fin. rect. 2020 , n° 2020-473, 25 avr. 2020 : JO 26 avr. 2020

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